dimanche 9 janvier 2011

De la notion de grandeur

Vous avez surement déjà entendu quelqu'un dire "Quel grand vin..."


Or, la notion de grand ou pas grand divise les amateurs, c'est un débat incessant, à savoir: Avons-nous le droit, simples mortels, d'oser se prononcer sur un vin et de le déclarer grand en fonction de nos perceptions?


Prenons un grand vin au hasard. Pour faciliter l'exercice, et pour éviter les ambiguités, choisissons un vin qui précise lui-même qu'il est grand. Aucune chance de se tromper.





Belle fiole, surtout sur le très excitant (...) millésime 2007.


Premier constat, le terme "Grand" est galvaudé. Ça part plutôt mal. 


Mais ce qui rend les amateurs de vins furieux, c'est qu'un peu tout le monde, ayant des repères différents, utilise le terme de façons diverses, parfois en désignant des vins plutôt modestes. Donc, voici quelques suggestions:


- Si quelqu'un utilise le terme grand vin pour faire référence au vin australien mollasson avec un animal rigolo sur l'étiquette qu'il a amené....je suis assez à l'aise avec ça. S'il trouve ça bon, et que ca le rend heureux d'en boire, je pense qu'il fait le meilleur choix possible. Et si à l'intérieur de ses expériences de dégustation, ce vin "dépasse" du lot... pourquoi pas? S'agit de rester zen.


-Si un amateur chevronné, alors que vous parlez d'un "grand" vin que vous avez goûté, vous balance que c'est pas un grand vin, soyez également zen. Que le vin que vous avez goûté ait le droit à l'étampe "grand" ou non, ca change pas grand chose au fait que c'était ben l'fun. Ca devrait pas vous ruiner le plaisir rétroactivement.


La vérité, c'est que non seulement la notion de grandeur c'est très relatif à nos expériences de dégustation, c'est aussi fonction de ce qu'on recherche dans un verre de vin. Nous avons demandé à 100 personnes de la plèbe ce qu'ils recherchent dans un ballon de gros rouge, Marcel, et voici ce qu'ils ont réponds:


Que ca goute bon dans la bouche                               71
Que ca sente bon en plus dans la nez                          12
Que ce soit sec mais doux                                          7
Que ce soit complexe, long, racé et équilibré                 6
Que ce soit typique d'un terroir d'exception                   3                
Que ca reflète une certaine philosophie de vinification     1


Donc, ce que je propose, c'est qu'on fasse pour la production de vin, un certain contrôle, afin d'homologuer un grand vin, afin d'éviter au simple badeau de se fourvoyer en croyant apercevoir un grand vin qui est, au final, petit. C'est fâcheux. 


Dans le fond, s'agit de déterminer une grandeur minimale, un étalon...





Comme la France remporte la palme côté administration austère, je pense que le mieux serait de prendre en exemple l'appellation d'origine contrôlée, pour créer la mention "Certifié grand". Pour se faire, le mieux ca serait de créer l'équivalent des "Décrets d'appellations" ou, comme on les appelle maintenant, les "cahiers de charge". Ce qu'on aime beaucoup avec ces textes, c'est qu'ils visent à défendre l'intégrité des produits francais. Par contre, en tant qu'amateur, si vous cherchez à savoir, par exemple, quelles sont les techniques viticoles permises pour faire du savigny-les-beaunes, bonne chance. Vous allez trouver, mais c'est fastidieux.  C'est vraiment désagréable à consulter...

Vous voulez ma définition, de ce que je trouve grand? Ou de ce que je considère être un grand vin? C'est pas très important, vous avez autant raison que moi d'aimer ou de détester un vin, et votre plaisir est aussi légitime quand vous trouvez que c'est bon et émouvant dans le verre...

Et comme on parle de grandeur, et de petitesse, je vous laisse avec ma citation vin préférée de Pierre Desproges, provenant de la section Proverbes et locutions latines de son "dictionnaire superflu à l'usage de l'élite et des bien nantis".

"In vino veritas (Un petit rouge bien tassé): Se dit affectueusement d'un nain communiste très vieilli." -Pierre Desproges

Et pour vous, c'est quoi un grand vin? Simplement? En quelques mots? Des vins que vous avez trouvés grands? Y'a pas de mauvaises réponses içi...

10 commentaires:

  1. N'étant pas une dégustatrice expérimentée, voire même à ses tout premiers balbutiements dans ce domaine ô combien intimidant, il me serait plutôt difficile d'établir réellement ce qu'est un grand vin, puisque je suis en train d'établir mes bases, mes références.

    Étant de nature émotive, pour moi la grandeur doit venir me chatouiller la joue, me faire vivre une expérience hors du commun tant au niveaux sensoriels qu'émotionnel. Il faut dire que je possède encore la naïveté du débutant, mais bon...

    Quand je déguste un vin, ce que je recherche avant tout, c'est le frisson. Pour moi c'est ça la grandeur. Et étant novice dans le monde de l'oenologie, je m'émerveille devant pas mal de chose ces temps-ci! Quand le temps des comparaisons sera venu, peut-être aurais-je une toute autre perception du beau, du bon et du grand, mais pour l'instant ma naïveté me satisfait amplement!

    Voilou!

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  2. Oli: Ou plutôt, un vin qui goûte cher...

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  3. Stéphanie: C'est une bonne définition, parce que c'est la tienne. Parfois, j'aimerais revenir en arrière, et regoûter pour la première fois pleins de vins qui m'ont complètement renversés quand je les ai goûtés la première fois!

    La bonne nouvelle, c'est qu'il y a toujours autre chose à découvrir. ; )

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  4. pour moi un grand vin est celui qui va littéralement me séduire de par ses arômes, celui sur lequel je vais m attarder longuement au plaisir de le humer jusqu à ce qu il soit prêt à se faire déguster..et là...il reste un grand vin lorsqu en bouche il continu de m en donner.

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  5. C'Est vrai que trop souvent, il y a ce manque de cohésion entre la bouche et le nez, et ca ruine le plaisir. Des exemples, de vous trois, de vins que vous avez trouvé grands cette dernière année?

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  6. Joli blog!

    Légiférer sur le "grand vin" serait une erreur monumentale à mon avis : ce n'est pas nécessaire pour les terroirs et appellations bien établis et ailleurs il y a souvent un historique où une AOC plus modeste NUIT à ceux qui veulent faire du grand vin. On n'a qu'à penser à tous les producteurs déclassés car leur vin ne "reflète pas l'appellation" en dégustation.

    J'aime beaucoup l'approche de Stéphanie quand elle déclare "N'étant pas une dégustatrice expérimentée [...] il me serait plutôt difficile d'établir réellement ce qu'est un grand vin, puisque je suis en train d'établir mes bases, mes références."

    Je suis toujours surpris à quel point peu de gens pensent ainsi lorsqu'ils commencent dans le vin et pourtant cette approche évite tant de fausses pistes, d'entêtements, etc.

    Revenir aux vins qui ont formé notre palais est toujours intéressant. Quand j'ai commencé dans le vin en 1993, j'aimais beaucoup de Vina Esmeralda (vin blanc de Moscatel et Gewürztraminer) de Miguel Torres, je le trouvais complexe, si bon et unique. Après quelques années, sans le trouver mauvais, je me suis rendu compte que ses qualités tenaient aux cépages et au côté très défini de ses arômes et que c'était - finalement - un vin plutôt industriel, évoluant très peu dans le verre et plutôt court. Bref : le fait de l'appeler "grand" à mes débuts aurait simplement ajouté de la confusion à la discussion.

    Quelques grands vins à mon sens, en évitant les vins tels Lafite, Guigal La La La, DRC et compagnie, pour sortir des sentiers battus :

    - Egon Müller Scharzhofberger Kabinett Mosel-Saar-Ruwer

    Des vins d'équilibre incroyable année après année, capables de grande garde, versatiles à table, tellement complexes.

    - Rayas

    Un domaine unique à Châteauneuf, des vins élégants, jamais sur-mûris ou trop chargés en alcool, d'une complexité renversante, unique.

    - Musar

    Pas dans tous les millésimes, mais ce vin du Liban est capable d'atteindre à la fois une singularité, un équilibre et une qualité qui renversent!

    - Philip Togni

    Un producteur fabuleux à Napa, des vins de très grande garde, riches par leur provenance plutôt que par une recherche d'en mettre plein la gueule. Ils vieillissent admirablement.

    - Calon Ségur

    Sur les millésimes où le Cabernet Sauvignon mûrit bien, ce Château de Saint-Estèphe produit des vins denses et fin à la fois, jamais sauvages ou trop élevés. Encore là, ils vieillissent à merveille.

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  7. Merci Olivier de m'appuyer dans mon approche! C'est plutôt rassurant, car parfois, j'ai l'impression de m'égarer...!

    Et voici donc mes dernières découvertes de "newbe"!:

    Cuvée La Tourtine du Domaine Tempier, Bandol - tout simplement élégant!

    Les Cocalières du domaine d'Aupilhac - parce que ça le fait!

    Sinon, Minémise tu connais cette dernière:

    Crozes-Hermitage d'Alain Graillot - divin...!

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  8. Bonjour Olivier, et merci de ta réponse. Bien sûr, je suis de ton avis, et j'étais ironique en proposant de légiférer sur le terme grand vin. Je suis d'accord avec toi également sur le fait qu'avant de pouvoir se prononcer sur un sujet, faut avoir une connaissance minimale de ce dit sujet, puisqu'à prime abord, les exemples les plus extrêmes (esmeralda) sont souvent ceux qui marquent de la plus forte impression.

    Pour ta définition de grands vins, je te rejoins tout à fait. Particulièrement sur Rayas, qui à mon goût personnel, et à mes connaissances, est le seul vin en châteauneuf que je trouve réellement grand. De mon côté, j'accorde beaucoup d'importance à l'originalité dans ma conception de "grandeur", et Rayas, avec un profil oxydatif, frais et très bourguignon (je trouve) fait pour moi la plus belle référence en grenache.

    Musar, c'est également tout à fait déroutant, avec souvent des profils aromatiques uniques, à la limite du défaut parfois (d'un point de vue oenologique). À l'occasion j'ai trouvé ça rebutant, mais plus souvent qu'autrement c'Est réellement intéressant, unique, et séduisant.

    Pour les trois autres, j'avoue les avoir dégusté à trop peu de reprises, sur trop peu de millésimes pour pouvoir me prononcer honnêtement, mais je serais assez d'accord pour ce que j'en connais.

    D'autres trucs qui me semblent pouvoir aspirer au même genre de titre: Des chenins de Huet, tendu, bon en jeunesse ou après 40 ans, belles complexité. Certains vins, en riesling ou en pinot gris de Zind-Humbrecht (sauf que pour savoir lesquels, en fonction du millésime, c'est un peu la loterie). Le Barca Velha de la casa ferreirinha dont tu parlais sur l'heure du lunch l'autre fois, avec une démarche particulière, qui fait très style vieillot à l'ancienne, oxydatif, vieillissement long en vieux foudres, (si ma mémoire est bonne) je trouve que ca mériterait ce statut.

    Stéphanie: C'est déjà pas mal! Je pensais pas voir une cuvée d'un domaine phare de bandol dans tes choix, puisque c'est assez "underground" quand même, et le mourvèdre, c'est pas toujours le cépage le plus séduisant à prime abord! Content de voir que ca te plaît, dans quel cadre as-tu goûté/trouvé ca?

    Sinon, tu connais mon faible pour graillot, je trouve que c'Est grand, à sa manière, avec une constance qui m'étonne, des profils aromatiques textbook (comme c'est marqué dans les livres) syrah, à prix ridicule. Même sur les petits millésimes, ca goûte Graillot....et après 10 ans? Ca goûte Graillot... Ca coute tout le temps 30$, le type est jamais plus gourmand, ca le fait tout le temps, y'a jamais de "phase fermée", quand tu mets le tire-bouchon dedans, le génie sort de la bouteille à tous les coups. Pour moi, c'est grand, et c'est une leçon de syrah presque à chaque fois...

    Au plaisir!

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  9. J'ai eu l'occasion de goûter à cette merveille au restaurant Nizza à Montréal il y a peut-être environ 2 ans de ça. Je m'en souviens encore, c'est peu dire... De la facture aussi, mais ça en valait la chandelle!

    J'ai aussi goûté à la cuvée classique 2004 cette année, via mes beaux-parents qui ont fait venir ça par importation privée (oenopole je crois...) et le plaisir fut tout aussi présent.

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