jeudi 16 décembre 2010

De l'art de noyer le poisson (dans le vin) ou plutôt de pousser le bouchon trop loin



Trouvé sur un blog vin qui se nomme Vinography, ce vidéo des producteurs de lièges.

La production de bouchons de liège est une industrie de taille, particulièrement au Portugal, où elle ferait vivre quelques 30 000 personnes. Le liège est récolté sur des chênes, et se situe entre l'arbre et l'écorce. Il faut ensuite attendre environs une dizaine d'année pour que l'arbre se refasse une écorce qu'on pourra ramasser à nouveau. Comme des moyens alternatifs sont maintenant de plus en plus utilisés pour fermer les bouteilles, on craint que les forêts de chênes-lièges disparaissent tranquillement, puisqu'elles ne feraient plus vivres les populations locales.

Voilà, c'est tout le drame de l'industrie du bouchon.Or, l'engin en question est parfois responsable d'un défaut du vin, vin qu'on déclarera alors bouchonné. Celà viendrait du fait qu'on nettoie le liège à l'aide de solutions chlorées, et c'est un composé chloré, le 2-4-6 Trichloroanisole (qu'on nommera TCA, ou Marcel pour alléger le texte), qui est responsable du goût de carton bouilli qu'on peut retrouver dans les vins bouchés à l'aide de bouchons contaminés.

C'est fâcheux.

Tranche de vie succulente. L'autre jour, j'ouvre une bouteille de vino avec des potes. Jusqu'ici, on nage dans la banalité la plus convenue. Bon, c'est là que ca devient plus croustillant. La bête en question, je suis allé la chercher chez le producteur, en vélo, en bourgogne. Elle a survécu (de peine et de misère) à une ride de bicyclette dans la garnotte, dans le rack à bagage en arrière, dans une position précaire. Elle a même chu, mais sans se "sploucher". Je l'ai trimballée dans mon sac-à-dos pendant deux semaine. Retour au bercail, direction cellier pendant 5 ans. J'avais dégusté la version 1983 du vin en question (mon année de naissance) chez un producteur de vin où je faisais un stage, et cette expédition en vélo, c'était un peu mon pélerinage à la Compostelle. Voilà, c'est le jour J, l'excitation est palpable. Et crac, je met le tire-bouchon dedans: bouchonnée.

C'est fâcheux.

Dans les dernières années, avec beaucoup de patience, une bonne partie des professionnels du vin ont essayé de propager l'idée, que finalement, le "Twist Cap" (Qu'on nommera Twist Cap pour alléger le texte) c'est relativement pratique. Que c'est pas obligatoirement synonyme de vins modestes. Que ca ruine pas tant que ça le rite séculaire et sacré du tire-bouchon dans le bouchon. Qu'il y a une vie après le liège. Que ca va bien aller. Faut pas pleurer, il en valait pas la peine de toute façon.

Et voilà maintenant des vidéos qui ridiculisent la chose, en prétendant que c'est horriblement polluant d'opter pour une solution alternative. C'est également horriblement polluant de trimballer un bien de consommation d'un côté à l'autre de la planète (Bien que l'on nommera "bouteille de vin" pour alléger le texte) quand c'est pour le vider dans l'évier parce que le contenu est corrompu. On prend des notes à la maison.

La notion d'impact environnemental est à la mode. C'est pour cette raison qu'on emboute....emboîti.....emballe (???) maintenant plusieurs vins, dont plusieurs vins australiens, dans des contenants dits alternatifs. Les emballages de carton ou de plastique sont moins lourds, et ca prend donc moins d'énergie pour déplacer 750 ml de vin du coin "en-bas-à-droite" de la carte du monde jusqu'au coin "en-haut-à-gauche". C'est la logique même.

Grosso modo, boire du vin importé qui traverse la terre, c'est pas le passe-temps de plus écolo qui soit de toute manière.

Revenons-en à nos bouchons. Ce que je déplore, c'est qu'on traite pas tellement du problème dans les vidéos. On noie le poisson, dans un vin de qualité discutable. Pas de mention du fait qu'on a amélioré le processus de création des bouchons, ou de ce qu'est un vin bouchonné. Pas de mention de la différence entre le vieillissement sous liège, ou sous twist cap. Ca fait un peu propagande. Le ton se veut marrant, mais ca vide pas la question, et au final, ca manque plutôt de tact. Ca adresse pas les enjeux...

Si j'opte pour un type de bouchon, c'est d'abord et avant tout une question de qualité du produit. Le bouchon c'est un mal nécessaire, pas une finalité en soi. Je mate jamais le bouchon avant d'acheter une bouteille. Je mate l'étiquette qui me dit ce qu'il y a dans le flacon.

Come on.

"Will I ever know gracious living?" -Personnage créé par Randall Graham, vigneron américain défenseur de la capsule à vis, ouvrant un meursault bouchonné.

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