samedi 25 décembre 2010

Du beau, du bon et de la perfection

"Boire du vin et étreindre la beauté..." - Omar Khayyâm

Dans le même esprit que le précédent billet, une discussion récemment sur la notion de bon.

Sur la table, un vin, modeste, plutôt sympathique. Et un autre, plutôt cher, californien, et travaillé au possible. Une grande réussite technique, mais peut-être un peu sans âme. Et la discussion qui s'en suivit.

Comme de quoi, ce vin pourrait être produit n'importe où. Rien ne dépasse, rien ne laisse à désirer, les tannins sont fins, veloutés, parfaits. Le profil aromatique est "textbook" bordelais élaboré dans le nouveau monde. C'est un vin produit en laboratoire. Mais en même temps, c'est bon. Très bon. Rien à dire.


C'est comme cette performance. C'est un produit commercial, étudié, léché, travaillé. Mais c'est impossible, instinctivement de pas être séduit. C'est pop, facile d'approche, elle est sublime, avec un sourire naïf qui nous serre le coeur. Ses yeux... une jeune fille aux yeux comme le désert...

C'est bon, même si c'est "mal". C'est plutôt inné d'aimer ça...

Dire que c'est pas bon, c'est aller à l'encontre de ses instincts, par pur idéalisme, par convictions. C'est l'intelligence qui prend le pas sur l'émotion.

C'est regarder un vin peu agréable, mais authentique, typé, et de dire: "C'est pas séduisant, c'est austère, mais c'est authentique, donc ca me plait". C'est acquis. Ca excite les experts, parce qu'ils connaissent ça, et les simples mortels y voient pas la grandeur.

C'est la musique sérielle, c'est le nouveau roman, c'est l'art dans ce qu'il a de plus expérimental et de moins sensuel. C'est la réflection logique comme précepte de la création d'une oeuvre d'art. La démarche, ou l'origine, ou la raison d'être ont préséance sur la réelle beauté de ce qui se trouve dans le verre, ou sur la toile. C'est tenter d'omettre l'aspect émotif, pour faire "ce que doit". C'est beau parce que c'est vertueux, parce que c'est difficile à faire. Parce que ca va à l'encontre de ce qu'on connaît. Ca donne à peu près ceci.



C'est insupportable. Les gens adorent. 65 000 auditeurs, 165 "likes" et 12 "dislikes".

Les puristes vous diront que c'est un chef-d'oeuvre. Parce qu'ils comprennent pourquoi c'est grand, l'intelligence derrière le morceau, la finesse du raisonnement. Voici un commentaire de Stockhausen, que vous venez d'écouter: (Merci à mon pote Pal sur celle-là, c'est de la bombe)

"music is the product of the highest human intelligence, and of the best senses, the listening senses  and of imagination and intuition. And as soon as it becomes just a means for ambiance, as we say, environment, or for being used for certain purposes, then music becomes a whore, and one should not allow that really; one should not serve any existing demands or in particular not commercial values. That would be terrible: that is selling out the music." -Stockhausen,  Advice to Clever Children: Stockhausen on the “Technocrats” 
 Interview, Salzburg, July, 1996  

Méchant, Méchant méchant méchant Stockhausen. Le plaisir, c'est pour les faibles. Donc, pour Stockhausen, juste pour lui, une demande spéciale:



Mais dans le fond, plus loin que ce qui est beau, ou bon, il y a quelque chose de rare, le "grand". Le grand, c'est quand la tête et le coeur, d'un commun accord, vibrent. Loin d'être parfait, c'est authentique, pur, ou parfaitement imparfait, vrai. D'une grande intelligence émotive... Et souvent, le grand fait consensus, entre les profanes et les experts. Tout le monde arrête de parler. Y'a que la musique, le vin, les gens autour de la table.
C'est bon, c'est bien construit, c'est émouvant, et c'est pas parfait. C'est parfait...

I like...


Aucun commentaire:

Publier un commentaire