mardi 14 décembre 2010

De l'art de s'attendrir sur un Haut-Brion...et de boire du Fuzion

Suffit de parler du célèbre château Haut-Brion, dans le bordelais, pour que les amateurs de vins aient l'eau à la bouche...

Et pour cause: J'ai souvenir de moments de dégustations magiques, chargés d'émotions, de frissons, à seulement sentir un Haut-Brion rouge 1998. Je me souviens exactement de l'endroit où j'étais dans la pièce, des gens présents, et du temps qui passait plus lentement alors que j'avais le nez dans le verre.

C'est aussi ça, parfois, le vin. Et c'est pour cette raison qu'on entasse tout plein de bouteilles. En espérant qu'au prochain coup de vrille, les astres s'alignent, et que l'émotion soit au rendez-vous...


Le château Haut-Brion produit annuellement quelques 120 000 à 150 000 bouteille de son premier vin rouge. 10 000 à 12 000 caisses. Ca fait beaucoup, beaucoup de bon vin. Pour n'importe quel producteur bourguignon, c'est un volume inimaginable pour une seule cuvée aussi prestigieuse.

Maintenant, parlons du Fuzion. Assemblage de shiraz et de malbec originaire d'Argentine, produit par la maison Zuccardi.

L'année passée, il s'est vendu au Québec près de 200 000 caisses de fuzion. Caisses. Pas bouteilles. Ca fait beaucoup, beaucoup, de palettes de fuzion. Disons 4000. Palettes. Pas bouteilles. Ca fait plus de 2 millions de bouteilles. Là c'est bien de bouteilles qu'on parle. S'agit de suivre.

Éric de Rothschild (propriétaire du légendaire château Lafite-Rothschild, un égal du château Haut-Brion dont les prix peuvent atteindre les quelques milliers de dollars)  un jour interrogé par une revue prestigieuse sur la qualité des vins californiens, répondait à peu près ceci: "Les grands cabernets californiens sont effectivement d'une qualité incroyable, et sont au nez-à-nez avec les premiers crus classés du bordelais. Chapeau! Par contre, vous voyez, la différence, c'est qu'ils font des micro-cuvées, des 5000, 10 000 bouteilles. C'est sympathique. Au château Lafite-Rothschild, je fais 200 000 bouteilles par année de très, très grand vin."

Ca remet les choses en perspectives. Maintenant, transposons l'exemple au Fuzion, et au Haut-Brion. Pour les Argentins derrière le Fuzion, faire 120 000 bouteilles de Haut-Brion, c'est faire du jardinage. C'est romantique, c'est bien bon, mais c'est vraiment du volume d'amateur. C'est une balade de plaisance, sécateur à la main, et on s'enfarge dans les fleurs du tapis. On tergiverse. C'est pittoresque, mais c'est vraiment pas sérieux...

Faire des quantités astronomiques de vin correct et vendu à bon prix, c'est un défi technique absolument incroyable. Différent, mais peut-être aussi complexe que de faire du Haut-Brion. Ca veut dire gérer une équipe colossale. Ca veut dire se promener sur des dizaines de kilomètres, voire des centaines, pour vérifier l'état des vignes. Ca veut dire vendanger à peu près quand c'est mûr, un dégât de raisin. Ca veut dire faire des vinifications avec des cuves de la taille de piscines olympiques. Ça veut dire mettre tout le bazar dans des bouteilles, puis dans des caisses, et expédier ça aux quatres coins de la planète. Avec un marketing agressif s'il-vous-plaît, et des prix extrêmements bas.

Et le résultat? Ben, honnêtement, dégusté à l'aveugle la semaine dernière, c'est plutôt convainquant. Y'a pas d'émotion, mais c'est irréprochable. Du fruit, souple, équilibré. Étonnant. Et étonnament, c'est pas trop "Technico-machin" (vous référer à la section "de l'art de parler du vin comme un jeune branché, tome 1)

 3,95$ pour une demi-bouteille. Chapeau.

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